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Face est du 3e pilier sud de la nef.
La face principale de la corbeille est emplie par un personnage, à genoux sur l'astragale, le sommet du crane touchant le tailloir. Il lève son bras et sa main droits index et médius étendus, dans le geste classique de la bénédiction d'un "Christ en Majesté".
La main gauche est ouverte, paume tournée de face en signe de paix ou d'accueil, ou plus simplement dans "l'attitude du narrateur antique". (→note)Copié de "D. Bonnet Saint-Georges, « Jean Scot à Cluny, opus cité."
De plus, il est représenté agenouillé et vêtu uniquement d'une ceinture qui laisse son nombril apparent.
(→note) * La position à genoux peut correspondre à une déformation artistique permettant d'agrandir et de donner plus d'importance à la figure centrale,mais une telle déformation ne va jamais à l'encontre de la signification du chapiteau.
Á l'angle supérieur droit de la corbeille, un masque suspendu, isolé. Le retour droit de la corbeille est occupé par un personnage debout, tourné de face et tenant à deux mains une hostie qu'il porte à sa bouche ouverte.
Sur la face gauche du chapiteau, un personnage au tronc fléchi, tête inclinée, courbé derrière un masque muni d'une poignée suspendue à l'angle supérieur, masque qu'il tend à bout de bras.
De par sa composition, ce chapiteau évoque un "Jugement Dernier".
Mais, dans l'iconographie romane ou pré-romane le Christ (sauf parfois sur la Croix) n'est jamais représenté sans sa gloire car le nimbe chargé d'une croix est son principal signe distinctif. De plus, il est rarement représenté la main gauche levée, paume ouverte de face, en signe de paix ou d'accueil, (→note) Au lieu que sa main gauche repose d'habitude sur le Livre. Cependant, sur un chapiteau de Thivier le Christ avec son auréole est représenté dans cette position, main gauche levée de face tenant une hostie.. Par contre il existe au moins une représentation, du 9e siècle, du Christ sans auréole, enseignant ou prêchant.
(→note 2)Il ne reste que très peu d'exemples iconographiques du "Jugement" d'avant le 9e siècle.Une terre cuite, mélange entre un "jugement dernier" et un épisode d'enseignement, montre le Christ assis sur une estrade (sans auréole) enseignant un groupe d'hommes, de femmes et d'enfants. Trois apôtres de chaque coté du Christ (représentent l'Église réceptrice ou médiatrice de ce enseignement).(Sande, S. (2020) “A Terracotta Plaque in the Dumbarton Oaks Collection. Judgement scene or Congiarium?”, Acta ad archaeologiam et artium historiam pertinentia, 15(1 N.S.), pp. 269–282. doi: 10.5617/acta.5678.)
Terre-cuite Bartelini- Dumbarton Oaks Collection.
Détail du Jugement Dernier" de N.D. de Thivier
Auréole désignant le Christ
C'est donc là un rapprochement entre l'enseignement du Christ et l'enseignement porté par Cluny et sa réforme du monachisme et de la vie ecclésiale.
Il s'agit donc vraisemblablement d'une personnification de l'Église (ou de l'ordre monachique) sous-entendant une équivalence entre l'Église présente en ce monde et le Christ qui reviendra à la fin des temps.
Ainsi on retrouve tous les ingrédient liés à la réforme clunisienne, :
* Placé à droite, debout et communiant à l'hostie, le juste qui s'est engagé sur la voie du salut.
* Á gauche, se cachant de Dieu derrière son masque (→note)"Saint Ambroise vient encore nourrir notre lecture du chapiteau : « Quand l’effroi que nous ressentons devant la Puissance divine atteint les facultés de notre âme, alors nous rougissons de honte, alors nous éprouvons le besoin de nous cacher " (D. Bonnet Saint-Georges,, opus cité) recroquevillé vers le sol, le pécheur et futur damné.
Entre les deux, l'ordre monachique clunisien comme représentant l'Église en ce monde, accueillant et guidant les fidèles.
Les masques posent un problème. L'absence de poignée à droite est elle volontaire? A droite s'agit-il d'un simple masque ou l'humanité qui est témoin de l’événement? Dans ce cas, à gauche, le pécheur ne cherche t-il pas à se cacher derrière la masse passive de l'humanité, à "se noyer dans la foule"?